Le Musée de Grenoble présente les œuvres récentes de Laura Lamiel, conçues spécialement en fonction de l'architecture des salles du musée. Cette artiste française, née en 1948 et vivant à Paris, à la fois peintre et sculpteur, utilise l'espace et la lumière qu'elle met en rapport au moyen d'installations d'éléments modulaires et d'objets industriels.
Son travail s'inscrit dans la double filiation de l'art minimal et de l'art du collage (qui introduit des objets du quotidien). Au premier, elle emprunte le rôle déterminant joué par l'espace environnant, les éléments modulaires, la couleur monochrome ou encore l'invitation au déplacement, et au second la mise en évidence de la matérialité d'éléments non nobles, et choisis pour leur riche pouvoir évocateur. Il est par ailleurs impossible de ne pas rappeler toutes les filiations engendrées par le Carré Blanc sur fond blanc de Malévitch (191S), qui traverse l'histoire de l'art du XXe siècle, en citant quelques exemples : tableaux blancs de Robert Rauschenberg de 1951, achromes de Pierre Manzoni de 1957, œuvres du groupe Zéro autour de 1960 et surtout l'ensemble du travail de Robert Ryman et certaines séries d'Imi Knoebel, qui intéressent beaucoup Laura Lamiel. Chez cette dernière, le blanc est en général réservé aux volumes émaillés et aux objets industriels neufs, tandis que le noir et toute la gamme des bruns appartiennent aux objets de récupération, le plus souvent usagés ou à des matériaux organiques. D'un côté le dur, le brillant, le fini impeccable, de l'outre la matière, la texture, l'informel, la tactilité, la souplesse, le résidu, le détail...
Ou encore l'infinitude du blanc, sa perfection et son silence mis en tension avec des morceaux d'histoire (tapis usagés, morceaux de chambres à air en caoutchouc, bouts de sacs postaux en jute, caddies récupérés... tels des épaves d'une société industrielle et des rencontres hasardeuses appropriées).
L'idée de construction prévaut dans la plupart des œuvres récentes, toutes conçues à l'échelle humaine: que ce soit avec des murs bas, constitués de briques émaillées, structurant la pièce en réponse à l'architecture environnante, ou encore avec des poutrelles métalliques empilées et dessinant un rectangle ou plus récemment avec les œuvres intitulées " maisons" renouant avec la verticalité et jouant de l'intérieur et de l'extérieur, comme du visible et du caché. Mais ces constructions sont évolutives, d'une exposition à l'autre. Les œuvres, qui ne sont qu'à l'état de latence en dehors de leur installation, nécessitent des manipulations, des essais, des agencements, d'abord ébauchés en atelier. Les déplacements de l'artiste seront au moment de l'exposition relayés par ceux du visiteur incité à circuler entre les éléments. La pièce la plus importante présentée au Musée de Grenoble est constituée de 9 Maisons disposées en carré, qui peuvent être perçues comme un espace mental incitant à un libre parcours.
Le temps de lecture de l'œuvre engendre des rapports intimes: les différentes nuances de blanc des briques d'émail, l'absorption et la réflexion de la lumière, les bribes d'histoire suggérées par les différents objets, par exemple, nécessitent une immersion dans un univers où paix et violence se sont finalement stabilisées. Un catalogue publié dans la collection reConnaître accompagne cette exposition.
Elisabeth Besson