Présentation par Fernando Cocchiarale
Si l’on considère l’économie de moyens et d’éléments utilisés par Laura Lamiel, nous pouvons relier son travail à la pratique minimaliste du début des années soixante. Néanmoins, en faisant cela, nous expliquons le présent par le passé, puisque nous établissons des liens entre des productions et des contextes séparés par des décennies, usant de principes généalogiques. En agissant ainsi nous passons à côté d’un élément fondamental : percevoir la nécessaire différence entre un travail produit aujourd’hui et ses références historiques.
Installé dans le foyer du Musée d’art moderne de Rio de Janeiro, le travail de Laura synthétise des enjeux et des éléments qui parcourent l’ensemble de son œuvre, en particulier dans ses pièces les plus récentes. L’œuvre nous offre quelques clés qui nous permettent de percevoir la distance réelle entre son travail comme un tout et les références généalogiques mentionnées plus haut.
Le sens du geste de l’artiste et son rôle sémantique est l’élément qui sépare le travail de Lamiel de ses références minimalistes. Tandis que des artistes tels que Dan Flavin ou Donald Judd cultivaient une sorte d’impersonnalité pour neutraliser toute expression subjective quelle qu'elle soit, Lamiel introduit dans son travail une intensité contrôlée de tensions développées entre différents types et niveaux d’opposition qu’elle établit à partir de son expérience, durant la période de gestation qui précède : entre l’opposition chromatique des morceaux de savons Rio d’un orange profond, au parfum écoeurant et sensuel, et la douce blancheur des plaques de métal irradiées des reflets de la lumière qu’elles renvoient ; entre les formes construites dans l'espace (sculpture) et les couleurs qui les tendent (peinture) ; entre la transparence organique du savon et le reflet industriel opaque des surfaces en métal recouvertes de peinture de carrosserie ; entre les sons discrets presque inaudibles graves et aigus produits par ses assistants ; entre Rio de Janeiro et Paris ; entre la favela et Descartes, transitent et germent les sens multiples et les tensions qui constituent le noyau poétique du travail de Laura Lamiel.
Néanmoins, cette polysémie n’est pas le résultat d’idées imposées a posteriori sur un travail qui ne les prenaient pas en compte pendant le temps de création. Au contraire, guidée par la fine intuition de l’artiste, ces significations de différentes origines y convergent. Et elles sont là pour toujours entremêlées, incluant celles qui ne sont pas encore apparues à la surface mais qui le seront certainement un jour.